Louer sans l’accord de sa copropriété
Louer un logement en copropriété peut sembler simple : vous êtes propriétaire, donc pourquoi ne pas louer ? Pourtant, tout n’est pas si libre. En copropriété, le règlement peut imposer des limites très strictes sur la manière dont vous pouvez exploiter votre lot (votre appartement), notamment en matière de location. Avec les récentes évolutions législatives — en particulier la loi Le Meur de novembre 2024 — le cadre s’est durci, notamment pour les meublés touristiques (type Airbnb). La question « peut-on louer sans l’accord de la copropriété ? » mérite donc d’être examinée de près, car les implications juridiques, financières et de voisinage sont importantes.
Le cadre légal traditionnel en copropriété
a) Le rôle du règlement de copropriété
Le règlement de copropriété est la pierre angulaire : il définit la « destination de l’immeuble », c’est-à-dire l’usage que chaque lot (appartement, local) peut avoir (habitation, commerce, profession libérale, usage mixte).
Si le règlement précise que l’immeuble est à usage d’habitation exclusivement bourgeois, cela peut limiter certaines formes de location.
Certains règlements imposent des restrictions : par exemple, interdire la location meublée ou la colocation via des clauses bien précises.
La jurisprudence confirme que de telles clauses peuvent être validées : les tribunaux ont validé des clauses restreignant la location dans certains cas.
b) La loi du 10 juillet 1965 (statut de la copropriété)
Cette loi encadre fortement les droits des copropriétaires. Notamment, l’article 9 dispose que chaque copropriétaire peut jouir librement de son lot à condition de ne pas porter atteinte aux autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.
Le règlement de copropriété est donc contractuel entre copropriétaires : il peut interdire des usages, mais ces interdictions doivent rester compatibles avec la destination définie.
c) La sous-location
Si vous n’êtes pas propriétaire mais locataire, la sous-location est un cas à part : par défaut, le locataire doit obtenir l’accord écrit du propriétaire pour sous-louer.
En copropriété, la sous-location peut également être restreinte par le règlement de copropriété, selon les clauses concernant l’usage des lots.
Les évolutions légales : la loi Le Meur (2024) et ses conséquences
a) Contexte de la loi Le Meur
Le 19 novembre 2024, la loi Le Meur a modifié des dispositions importantes concernant les meublés touristiques en copropriété.
L’objectif : mieux encadrer Airbnb et les locations courtes, notamment dans les zones tendues ou sur des marchés où les logements touristiques impactent l’offre de logement résidentiel.
b) Informations et obligations nouvelles
Déclaration au syndic : désormais, lorsqu’un copropriétaire loue un logement meublé de tourisme (Airbnb, etc.) et s’est déclaré en mairie, il doit informer le syndic de copropriété.
Point à l’assemblée générale (AG) : le syndic doit mettre à l’ordre du jour le signalement de cette location lors de la prochaine AG de copropriétaires.
Règlements de copropriété : pour les nouveaux règlements (ou modifications), il faut mentionner explicitement si les meublés touristiques sont autorisés ou non.
Vote de l’interdiction : dans les copropriétés dont le règlement interdit déjà l’activité « commerciale », l’assemblée générale peut désormais voter l’interdiction des meublés touristiques à la majorité des deux tiers (majorité de l’article 26). Avant, cela pouvait nécessiter l’unanimité selon la clause d’habitation.
c) Sanctions et exigences
Durée maximale : la loi autorise certaines communes à plafonner la location touristique à 90 jours par an pour les résidences principales (au lieu de 120).
DPE exigé : les nouveaux meublés touristiques doivent avoir un diagnostic de performance énergétique (DPE) avec une classe minimale (de A à E selon certaines règles) pour pouvoir exercer la location.
Amendes : louer sans respecter les obligations (déclaration, durée, etc.) peut entraîner des sanctions importantes, jusqu’à 100 000 € selon les communes.
Les différents cas de location en copropriété
Analyser la question « louer sans accord » nécessite de distinguer plusieurs types de location :
a) Colocation (baux individuels ou baux multiples)
- Si vous louez en colocation classique (un seul bail avec plusieurs colocataires), cela peut être plus simple selon le règlement de copropriété.
- En revanche, des baux individuels par chambre peuvent poser problème : certains règlements de copropriété interdisent cette pratique, notamment lorsque l’usage de l’immeuble est défini comme « résidentiel bourgeois » sans usage commercial.
- Le silence du règlement (c’est-à-dire qu’il ne mentionne pas expressément la colocation) ne vaut pas toujours autorisation : les tribunaux examinent les termes de la clause d’habitation pour juger de la compatibilité.
b) Meublé touristique (Airbnb, location courte durée)
- C’est probablement le cas le plus sensible : depuis la loi Le Meur, la copropriété a davantage de leviers pour encadrer, voire interdire ces locations.
- Si le règlement de copropriété interdit l’usage commercial ou les meublés touristiques, un vote à l’AG (2/3) peut interdire cette activité.
- Même si le règlement est silencieux (il n’interdit pas explicitement), certaines obligations s’imposent : déclaration à la mairie, à l’AG, DPE, etc
c) Sous-location
- C’est un cas particulier : le locataire (non-propriétaire) souhaite sous-louer. Il faut l’accord du bailleur (propriétaire).
- Par ailleurs, la copropriété peut avoir des restrictions selon la destination de l’immeuble et le type de bail (meublé, vide, colocation…).
- Ignorer ces règles peut mener à la résiliation du bail principal ou à une action de la copropriété.
4. Cas pratiques
Cas 1 : Propriétaire veut louer en Airbnb sans l’accord formel des copropriétaires
- Situation : Vous êtes copropriétaire, vous voulez mettre votre appartement sur Airbnb plusieurs fois par an.
- Problèmes :
- Le règlement de copropriété mentionne une clause « d’habitation bourgeoise » qui ne prévoit pas d’usage commercial ? Il peut y avoir un litige.
- Vous ne vous êtes pas annoncé au syndic ? En application de la loi Le Meur, vous devez l’informer.
- Vous dépassez 90 jours (ou ce que la commune autorise) ? Vous risquez des sanctions.
- Votre DPE n’est pas conforme aux exigences ? Cela peut bloquer légalement l’activité.
- Solutions :
- Vérifier le règlement de copropriété : s’il est silencieux, vous avez plus de flexibilité, mais attention aux obligations légales.
- Informer le syndic et prévoir l’AG pour clarifier la position des copropriétaires.
- Si nécessaire, modifier le règlement (mais cela nécessite un vote, potentiellement 2/3 pour certaines modifications, selon clause) ou adapter votre usage pour rester dans la légalité.
- Vérifier le règlement de copropriété : s’il est silencieux, vous avez plus de flexibilité, mais attention aux obligations légales.
Cas 2 : Colocation avec plusieurs baux individuels sans autorisation
- Situation : Vous louez chaque chambre de votre appartement à des colocataires distincts, signant des baux séparés.
- Problèmes :
- Solutions :
- Étudier précisément le règlement de copropriété.
- Solliciter un vote en AG si la situation n’est pas claire.
- Envisager un bail unique si les baux individuels posent problème.
- Étudier précisément le règlement de copropriété.
Cas 3 : Sous-location non autorisée
- Situation : Vous êtes locataire et souhaitez sous-louer votre appartement à une autre personne (ou plusieurs).
- Problèmes :
- Solutions :
- Obtenir l’accord formel du bailleur.
- Vérifier le règlement de copropriété.
- Prévoir un bail clair, éventuellement régulariser la situation auprès du syndic si besoin (information, AG...).
- Obtenir l’accord formel du bailleur.
Les risques en cas de non-respect
Sanctions civiles : la copropriété peut engager une action judiciaire contre un copropriétaire qui loue en violation du règlement (ou sans avoir respecté les obligations d’information).
Résiliation du bail : si vous êtes locataire sous-loueur sans accord, le bail principal peut être remis en cause.
Amendes : pour les meublés touristiques non déclarés, non conformes aux règles DPE ou dépassant la durée autorisée, des amendes importantes peuvent s’appliquer (parfois jusqu’à 100 000 € selon la mairie) selon les textes récents.
Récapitulatif :
Conclusion
Peut-on louer sans l’accord de sa copropriété en 2025 ? La réponse est nuancée :
- Oui, dans certains cas — si le règlement de copropriété n’interdit pas explicitement l’activité que vous voulez exercer (colocation, meublé touristique), et si vous respectez toutes les obligations légales (déclaration, DPE, durée, etc.).
- Non, dans d’autres — si le règlement de copropriété comporte des clauses restrictives sur la destination de l’immeuble, si une majorité en AG décide d’interdire l’usage touristique, ou si vous ne respectez pas les nouvelles obligations issues de la loi Le Meur.
- Les risques en cas de non-respect sont réels : contentieux, résiliation, amendes, etc.
Sources
- PAP.fr – sur les restrictions en copropriété liées à la coloc et au meublé.
- Le Mag Juridique – rôle du règlement de copropriété.
- Asso EDC – obligations de la loi Le Meur (2024) pour les meublés de tourisme.
- Guide pratique 2025 – DPE, information syndic, etc.
- LMNP-gouv – réforme DPE, meublés tourisme, copropriété



